À la lueur des étoiles, les yeux s'ouvrent sur la toile mouillée de la tente. Les corps mal réveillés s'étendent difficilement par manque de sommeil. C'est le grand jour, l'aventure nous appelle et active notre esprit. Le matériel est prêt, les voitures sont chargées d'espoir de conquête du monde souterrain.
Alors que les pas résonnent avec les premières lueurs du jour, le soleil de bonne humeur, nous offre un spectacle époustouflant de beauté lorsqu'il dessine au loin les contours des monts qui parcourent le plancher des bovidés. Ce rougeoyant tableau nous émeut et nous remplit le coeur de courage. En marche, les jambes se réveillent et se forgent pour ce mystère de longue haleine qui nous attend.
45 minutes pour approcher le veilleur des troupeaux. 45 minutes de forêt enchantée où l'on ne serait pas étonné de voir des lutins cachés derrière les pierres sacrées qui jalonnent notre sentier. Nous pouvons presque les entendre rire. Seraient-il là pour nous narguer ?
L'équipe est silencieuse, les poumons s'oxygènent sous l'effort mais nous y sommes.
Plateau d'entrée fissuré où deux tentes de repos trônent pour panser les corps meurtris par l'épopée, Le Gouffre. On s'équipe, combinaisons et baudriers, les mousquetons claquent avec les mouvements des corps. Une agréable et rassurante mélodie s'échappe du groupe, quelques rires pincés, et tous ces mots d'encouragements d'amour et d'amitié synchronisent nos coeurs et nos envies vers nos objectifs. On va faire ce qu'on sait faire, de la spéléologie.
Quatre d'entre nous descendent en premier, ils veulent aller chatouiller les entrailles du gardien, et il faudrait rapidement y parvenir avant que sa gueule ne se referme.
Le reste compte bien lui racler la gorge jusqu'à l'entrée de son estomac donc partira par après.
C'est notre tour, un à un nous descendons dans son œsophage, à tour de bras, de vertacos, et de clefs. Pour l'instant il ne nous résiste pas. Les puits et les méandres s'enchaînent, la beauté des lieux et sa grandeur, nous ralentissent dans l'effort. Ce temps qui défile est précieux et ces secondes futiles nous vident de notre sève. C'est l'enchantement du Berger qui a pris sur nous.
Moins 640 mètres, nous sommes arrivés à destination, les corps fatigués, l'esprit comblé, il faut les sustenter.
Cela fait, il nous faut nous extirper de ces remontées acides, mais le décors a changé sous nos pieds, et nos yeux habitués à l'obscurité ce sont aveuglés, nous nous sommes égarés. D'autres pionniers ont entamé leur retour, et dans leur bravoure nous ont accompagnés vers les gargarismes de ce monstre repus à satiété. A pas lent, engourdis par le sommeil, notre seule peur qui veille, les puits se succèdent et notre progression reprend vie. Doucement nous remontons les méandres, longs couloirs de peines, pour bientôt sentir l'air vivifiant de la sortie. Un dernier effort, un dernier ressort, bientôt au dehors. Les derniers mètres franchis, voir enfin la sortie. Le soleil est là et nous fait un clin d'œil. Explosion de joie d'avoir réalisé cet exploit, pas de temps record mais l'immense fierté d'avoir su mater ce gouffre Berger.
L'équipe réunie c'est au clair de la nuit qu'il nous faut gravir ces 45 dernières minutes de folie.
Des yeux nous observent, de partout ils nous cernent, le troupeau est toujours là, dernier rempart à cet espoir de revoir ce convoi qui nous attend au delà.
Obstacle franchi, muscles endoloris, la force de la lueur des étoiles de cette nuit là, nous savons que nous ne la retrouverons pas, mais heureux comme des rois, nous quittons cet endroit dans la joie, fiers de l'avoir fait ensemble, pour qu'aucun autre jour ne ressemble à celui-là.
Julie
Avec Gérald, Céline, Martin, Patrick jusqu'aux entrailles
Avec Hélène Jean Michel et Christophe jusqu'à l'estomac.
Merci à tous d'avoir été là.